III – Expériences de vie alternatives et durables
« C’est dans les disques, les zines et la presse anar et antifasciste qu’on a trouvé de quoi alimenter nos caboches punko-juvéniles en rébellion contre les injustices et dépasser le stade du « trop cool le look punk » qui ne dure que quelques années d’insouciances. »
Dans l’épisode précédent, je parlais de tout l’aspect médias et diffusion de la contre-culture alternative en France. En réalité, si nous diffusons nous-mêmes notre musique, c’est non seulement parce qu’on a pris notre destin en mains, mais aussi parce que nous l’avons fait avec d’autres. Et bien-sûr il n’y a pas de frontières à tout ça et nous avons participé à de multiples compilations de soutien en France ou à l’étranger, en support vynil, CD ou K7, édités de 300 à 3500 exemplaires.
Prendre part à un réseau alternatif national et international
Très vite, on a joué en Europe : Allemagne, Belgique, GB, Espagne, Italie, Hollande, souvent dans le cadre de concerts solidaires à des espaces alternatifs, des squats et des luttes antifascistes. Et c’est comme ça qu’on a pas mal défilé aux côtés des allemands surtout, dans des manifs contre les néo nazis, histoire de se mettre en forme avant le concert à Berlin, Hamburg, Düsseldorf ou même en pleine campagne dans un genre de manif qu’on a pour notre part jamais vécu en France: un rencard dans les bois et un cortège qui oblique vers une zone pavillonnaire, s’arrête devant une maison et là tout le monde se met à gueuler. On est devant les pénates d’un facho et si ses voisins ne le savaient pas, c’est fait; en tous les cas, le gars ne peut plus se cacher!
Mais bon, on ne peut pas s’arrêter là et pour nous prendre part à la scène anarcho-punk et antifa c’est le faire dans un esprit d’échanges et de solidarité. Alors à notre tour, on organise des concerts pour des gens qui nous ont fait jouer et qui viennent avec leur groupe en France. J’avais déjà évoqué les concerts de solidarité que nous avons organisés à peine la crise acnéenne passée. Eh ben on continue sans relâche. J’ai déjà évoqué (Kochise part 2) la tournée commune avec Conflict, en solidarité à des collectifs anarchistes et autonomes en 1994. Trois ans après on organise une tournée avec Schwarzeneggar, le nouveau groupe de Steve Ignorant de Crass, en solidarité à L’Anarchist Black Cross, réseau international anti-carcéral de soutien aux prisonniers politiques et sociaux. Et des concerts encore et encore.
Mais bon, sur scène on n’a pas le temps de discourir, alors on décide aussi de faire passer des infos dans nos disques: pamphlets, coups de gueule, listes de collectifs militants, lieux, éditeurs, radios dans un livret de 24 à 36 pages, présents dans chacune de nos galettes. Et pendant les tournées à l’étranger, nous partons souvent avec une liste de contacts d’organisations ou de groupes militants divers français et de l’information traduite sur des luttes que nous soutenons.
Parce que pour nous il est primordial de diffuser les idées à travers les fanzines et les disques. Et là c’est le moment de se rappeler qu’on est à la base des punks de la campagne et qu’il n’y a pas alors l’activisme que l’on peut trouver dans les grandes villes. Et nous, c’est dans les disques, les zines et la presse anar et antifasciste qu’on a trouvé de quoi alimenter nos caboches punko-juvéniles en rébellion contre les injustices et dépasser le stade du « trop cool le look punk »qui ne dure que quelques années d’insouciances.
Rock against major
Et c’est bien parce que la démarche punk et anarchiste est bien ancrée, que dans la production musicale, comme la diffusion des disques ou les concert nous avons dès le départ adhéré à la démarche « Rock against major », dont le logo est apposé sur nos disques.
Nos productions sont vendues par correspondance, en table de presse, redistribuées par des « petits » distributeurs associatifs et militants qui en achètent de 5 à 10 et les revendent eux mêmes en table de presse, etc. Donc pas d’intermédiaires. Ce qui nous permet par ailleurs de rembourser nos frais et fonctionner. Nous ne sommes pas des professionnels de la musique, même si on apprécie le bon son et qu’on a certaines exigences musicales. Car elle ne doit jamais être une contrainte, ni être enfermée dans un carcan ou une imagerie punk-rock. Répéter, jouer, tourner ne sont donc que sources de plaisir et objets de rencontres.
Les organisateurs ne sont pas non plus des professionnels, mais des personnes qui croient en la même chose que nous : la solidarité, la construction d’un autre monde: le notre.
Pour nous tous, c’est un engagement basé sur l’envie, le plaisir, la conviction, l’honnêteté et l’absence du souci du profit. Et c’est sûrement pour cela que cette expérience dure aussi longtemps, encore aujourd’hui quoiqu’en disent ceux qui clament que la scène alternative s’est éteinte avec l’époque Bérus. En réalité ceux qui colportent cette idiotie sont souvent ceux qui ont arrêté de se révolter et portent un regard nostalgique sur leur jeunesse rebelle…
Alors qu’aujourd’hui, 30 ans après nos débuts ardents dans la musique, alors en pleine crise de la quarantaine voir de la cinquantaine pour certains, on croise et recroise sur la route hexagonale et européenne de nos nouvelles formations musicales, des militantEs devenus des amiEs, toujours actifs et actives dans des lieux de vie alternatifs, des collectifs antifa, des labels, etc. Ah tiens, en juin 2018, on révise les morceaux de nos débuts (parce que ça fait un bon moment que les membres du groupes sont partis vers de nouvelles aventures musicales et/ou personnelles) et on fête nos 30 ans mutuels d’anarcho-punk avec Maloka!
Et dans 20 ans, le jubilé!
En attendant, quelques images de celles et ceux qui ont participé à l’aventure scénique du groupe…